UN MONDE INCONNU
Quoi de plus subtil, de plus insaisissable que l'ambiance d'une chambre
?
Et, en même temps, quoi de plus indiscret, de plus bavard ?
Qui veut tromper sur son véritable caractère peut changer sa
physionomie,ses vêtements, ses façons, sa voix. Il ne peut pas changer
sa chambre.
La chambre "colle" à qui l'habite, affiche ses goûts, reflète ses
habitudes, trahit ses vices.
Mais elle fait cela, non comme un miroir qui reflète tout bêtement
l'extérieur de qui s'y contemple sans en percer l'écorce, sans accéder à
l'intimité secrète.
La chambre, elle, est le reflet de l'âme.
Dans la chambre, chaque geste a laissé son empreinte, chaque mot
prononcé s'est figé dans l'espace, chaque soupir s'est plaqué aux murs,
chaque pensée a tracé son sillage, chaque objet raconte une vie.
Quand l'occupant quitte sa chambre, il ne sait pas sur quoi il ferme sa
porte.
Il n'est plus là, pourtant il y est encore, en creux. Tout a été modifié
par sa présence. Tout le fait revivre, lui.
Bienheureux qui a connu l'époque de la chambre à soi, à soi seul,
univers minuscule dont on est le maître, chambre-refuge où l'on court
cacher son chagrin, chambre-cocon qui nous protège du monde,
chambre-ventre-de-la-mère où, replié sur soi, on retarde l'heure cruelle
de naître.
Photographier des chambres, pas seulement des chambres pittoresques ou
extraordinaires, mais tout bonnement des chambres marquées par la
personnalité de leurs habitants, cette idée ne pouvait venir qu'à un
poète.
C'est bien ce qu'est Patricia Méaille.
Animée par son idée - qui est aussi un idéal - Patricia s'est lancée à
la conquête des chambres comme Colomb à la découverte d'un monde
inconnu. Il fallait sa sensibilité aiguë, son oeil infaillible, et, je
le répète, son inspiration toute poétique pour nous offrir cette suite
où la délicatesse rehausse la pudeur des sentiments et où l'ingéniosité
le dispute à la splendeur.
CAVANNA.
Née à Saumur en
1963. Photographe professionnelle depuis 1988. « Filme » sur les plages
plusieurs saisons, puis entre à l’école de photographie de
Chantilly-Gouvieux ; travaille ensuite dans un studio de prises de vues
industrielles et publicitaires à Annemasse (74). Elle expose à
Montsoreau (49), et travaille pour la publicité. Publications : Le Sens
du Galop, texte de Maurice Seveno, et Au Fond du Jardin (éditions Terre
de Brume, 2002), texte de François Cavanna
www.patriciameaille.com |